Le chrétien face aux changements climatiques
Une contribution (3e article de 5) de Daniel Gagné - publication du 4 octobre 2023
Voir aussi : Article 1 de 5 : Le chrétien face aux changements climatiques
Voir aussi : Article 2 de 5 : On ne bougera pas avant d’avoir des morts dans notre cour arrière???
« Terre devant! » : on y détruit la vie, un litre d’essence à la fois…
III- Les conséquences actuelles et futures des changements climatiques
Lors de l’article précédent (« On ne bougera pas avant d’avoir des morts dans notre cour arrière ») nous avons passé en revue les principaux changements mesurés dans les données météo et climatiques entre la période 1850-1950 et 2010-2021. En comparant avec les données de la paléoclimatologie (étude du climat il y a des millions d’années), on se rend compte que la vitesse à laquelle se produisent ces changements actuellement n’a pas d’équivalent depuis des millions d’années. Et ce, même si la Terre a déjà connu des périodes beaucoup plus chaudes (température moyenne de plus de 28°C vs 15°C actuellement) ou beaucoup plus froides (température moyenne de 8°C vs 15°C) que la nôtre. Mais ces variations de températures se sont produites sur des périodes de millions d’années, ce qui permettait aux écosystèmes terrestres et marins de s’adapter graduellement.
Ce qu’on craint maintenant, c’est que la rapidité avec laquelle le climat change pourrait nous précipiter dans des bouleversements tellement grands que tout l’équilibre du climat serait compromis et qu’une période de grande instabilité pourrait survenir d’ici les 50 à 100 prochaines années. Malgré cela, les experts du GIEC (Groupe intergouvernemental d’étude sur le climat) continuent d’espérer une réaction suffisamment rapide et radicale pour éviter le pire. Ce qui ne veut pas dire que la vie terrestre ne subira aucune conséquence. Car les conséquences sont déjà là pour qui sait les reconnaître. Nous présenterons maintenant une liste non exhaustive des conséquences actuelles, suivie de celle des conséquences futures.
A-Conséquences actuelles des changements climatiques
Les changements sont plus facilement détectables dans les régions tropicales et glaciaires où le climat est plus stable d’une saison à l’autre et d’une décennie à l’autre, mais on peut aussi les voir sous nos latitudes. (Nations Unies - Info - 23 décembre 2022).
Cela a déjà eu des conséquences pour les nombreuses populations côtières (3 milliards de personnes vivent à moins de 100 km des côtes et 600 millions de personnes vivent à une altitude inférieure à 10 m au-dessus du niveau de la mer)
- Dilatation thermique de l’eau : l’augmentation de la température augmente le volume occupé par une même masse d’eau. Ce phénomène s’ajoutant à celui de la fonte des glaces polaires entraîne déjà une augmentation du niveau des mers (d’au moins 20 mm depuis 20 ans). En clair, on assiste à une submersion du littoral (en France la ligne des hautes eaux a reculé de 20% entre 1960 et 2010).
- Acidification de l’eau : les océans doivent absorber une plus grande quantité de GES (surtout le CO2), ce qui diminue le pH (qui est passé de 8,2 à 8,1 (i.e. diminution d’un facteur de 1,2) depuis un siècle. Les coquillages peuvent plus difficilement trouver suffisamment d’ions carbonates (CO3 -2) pour former leur coquille, ce qui diminue leur capacité à stocker une bonne partie du carbone présent dans l’eau. Cela a des répercussions négatives sur la chaîne alimentaire marine. Ainsi, les populations de pêcheurs (dont 97 % vivent tout près des côtes) voient leurs prises diminuées et doivent exploiter à plus de 80% les stocks de poissons. Les touristes fuient aussi les destinations plus affectées par les augmentations de temps violents de chaleurs extrêmes et de maladies tropicales. Ces deux effets combinés ont des répercussions négatives sur l’économie des populations côtières.
A-2 Changements dans le climat des surfaces terrestres.
Photo de Kelly Sikkema sur Unsplash
- inondations : le nombre d’inondations a doublé en 20 ans et furent les catastrophes les plus fréquentes, après les tempêtes. Entre 2010 et 2020, les 3,5 milliards de personnes vivant dans des régions vulnérables avaient 15 fois plus de risque de mourir d’inondations de sécheresse ou de tempêtes que celles vivant dans des régions peu vulnérables
- catastrophes naturelles : Entre 1980-1999 et 2000-2010, le nombre de catastrophes naturelles est passé de 3656 à 7348. Le nombre de personnes tuées n’a pas augmenté mais le nombre de personnes affectées est passé de 3,25 à 3,5 milliards. Les dommages matériels sont passés de 1 500 à 3 000 milliards $. L’Asie est la région du globe la plus touchée, suivie par les Amériques et l’Afrique. Les pays les plus touchés sont la Chine, les États-Unis, l’Inde et les Philippines. (Bureau de l’ONU pour la réduction des catastrophes, cité dans La Presse +, 16 juillet 2023)
A-3 Changements dans la biodiversité (World Economic Forum, www.weforum Janvier 2023; Réseau action Climat France - décembre 2022)
Les changements climatiques ne sont pas les seules causes de la perte ou diminution d’espèces animales ou végétales. Parmi les causes associées, il y a l’augmentation des surfaces cultivées, les coupes forestières abusives, l’usage répandu de pesticides, etc. Mais toutes ces pratiques dommageables s’ajoutent à la destruction progressive des écosystèmes comme conséquence des changements climatiques.
- Les populations actuelles d’animaux sauvages auraient diminué d’environ 70 % depuis 1970. Les scientifiques estiment que nous nous dirigeons vers une extinction de masse, notamment en milieu marin, ce qui risque d’affecter le rôle crucial des océans comme puits de captation du carbone.
- Les récifs coralliens contiennent environ 25% de toute la vie marine. L’augmentation de la température et l’acidification de l’eau causent le blanchiment du corail (et sa mort probable)qui peut menacer la survie de centaines d’espèces de poissons et crustacés. 70 % des récifs coralliens pourraient disparaître si la température terrestre augmentait jusqu’à 1,5° C.
- La perturbation des cycles de floraison, d’hibernation et de migrations annuelles causée par le réchauffement climatique affecte la survie de nombreux animaux, tout en favorisant la propagation des parasites et la transmission de maladies
- Les éco systèmes insulaires (par ex. : Madagascar, les Caraïbes, etc.) sont particulièrement menacés. 100% des espèces endémiques seront menacées d’extinction même si on arrêtait immédiatement de produire des GES.
Il ne faut pas croire que les torts causés à la faune et la flore sauvage n’auront que peu d’impact sur nous. Ainsi la diminution des stocks de poissons va priver des centaines de millions de personnes de leur source alimentaire principale, plomber les économies basées sur la pêche et le tourisme) et favoriser l’érosion des berges.
B- Les conséquences futures
Prédire l’avenir est un exercice risqué, mais non impossible à réaliser, surtout si on s’en tient à des observations factuelles. Le GIEC (rapport AR.6, 2022) a mis sur pied une série de six scénarios (CMIP 6) reposant chacun sur des hypothèses concernant les efforts (plus ou moins importants) pour diminuer les GES, la mise en place de mesures d’adaptation aux changements climatiques et l’efficacité des technologies de captation du carbone. Chacun des scénarios permet de prédire le moment où la température de surface terrestre augmentera de 1,5° C (vs 1850-1950) et davantage par la suite. L’horizon de projection va de 2025 à 2100. Les conséquences sont évaluées à partir des données préhistoriques correspondant à des températures moyennes terrestres de 16° à 22° C.
Cet exercice de prédiction nous parle davantage lorsqu’on tente de l’appliquer au niveau régional, bien qu’il soit plus difficile de le calculer qu’au niveau global sur Terre. Car ce sont à partir de données régionales (comprenant plusieurs pays ou vastes proportions de grands pays, selon la méthodologie du GIEC) que les décideurs politiques, les entrepreneurs et le grand public seront les plus incités à agir pour diminuer leurs émissions de GES. Les prédictions sont basées sur les valeurs moyennes différents scénarios socio-économiques. On ne peut les chiffrer avec précision, mais elles correspondent à des tendances générales, plus ou moins certaines. Voici un résumé des principaux changements attendus pour la région orientale de l’Amérique du Nord (dont le Québec et la côte orientale des É.-U. font partie) :
- la température moyenne et les chaleurs vont sûrement augmenter- les périodes de froidure et de gel vont sûrement augmenter- les précipitations moyennes ainsi que les fortes pluies vont sûrement augmenter- les inondations de rivières vont probablement augmenter- l’aridité (sécheresse des sols) va probablement augmenter- les conditions favorables pour les feux de forêt vont probablement augmenter- la neige et le couvert de glace vont probablement diminuer- les vagues de chaleur et l’acidité des océans vont sûrement augmenter- les concentrations de CO2 dans l’air vont sûrement augmenter.
Pour des prédictions plus localisées, le groupe de recherche Ouranos a réussi à trouver des études canadiennes qui ont permis de raffiner les prédictions du CMIP 6 à des niveaux plus locaux (par ex : les régions administratives du Québec). Les cartes interactives permettent de vérifier les conséquences actuelles et futures (selon différents horizons temporels) pour les températures moyennes, les épisodes de froid et de gel, les chaleurs extrêmes et les précipitations.
Ainsi, pour la région administrative de l’Abitibi-Témiscamingue, on prévoit, pour la période 2050-2080, une augmentation de la température moyenne de 6 à 7°C (vs 1990-2000) au sud du Témiscamingue, de 4 à 5°C au nord du Témiscamingue, de 3 à 4°C dans le sud de l’Abitibi et de 1 à 2°C dans le nord.
Toutes ces données scientifiques sont peut-être intéressantes, mais elles ne nous disent pas en quoi, moi comme individu, je suis responsable en partie des changements climatiques. Nous verrons comment dans le prochain article.