Le chrétien face aux changements climatiques
Une contribution (4e article de 5) de Daniel Gagné - publication du 9 novembre 2023
Voir aussi : Article 1 de 5 : Le chrétien face aux changements climatiques
Voir aussi : Article 2 de 5 : On ne bougera pas avant d’avoir des morts dans notre cour arrière???
« Et moi dans tout ça ? »
IV- Ma contribution à la lutte aux changements climatiques
Image gracieuseté de Christopher Michel

Mais si, au lieu d’accuser les autres, nous faisions un peu le tour de notre propre jardin? Des outils numériques existent pour évaluer notre contribution personnelle aux émissions de GES ou autres dommages environnementaux. Ce sont les évaluations de notre empreinte carbone ou de notre empreinte écologique. Il en existe plusieurs versions. Aucune n’est parfaite. Mieux vaut s’administrer plusieurs de ces tests et établir un genre de moyenne par la suite. Je vous en propose quatre, toutes gratuites et adaptées à notre réalité québécoise (qui nous permet, par exemple, de jouir d’une électricité verte). Avant de prêcher pour les autres, je me suis passé le test moi-même. On trouvera mes résultats dans le tableau suivant :
Mes émissions personnelles de CO2 selon différents calculateurs
(en tonnes métriques de CO2 équivalents)
(1)calculator.carbonfootprint.com; (2)qc.carbonescolere.com; (3)carboneboreal.uqac; (4)planetair.ca
On réalise au tableau précédent que les calculateurs de l’empreinte CO2 ne sont pas tous aussi exhaustifs les unes que les autres. De plus, ils ne tiennent pas compte (le plus souvent) de nos émissions en amont de nos habitudes de vie et des biens que nous consommons. Par exemple, les émissions liées aux services gouvernementaux (santé, sécurité, éducation, routes, etc.) lesquelles sont réparties également entre tous les citoyens du pays. Mais il y a surtout l’empreinte écologique qui est tenue à l’écart. Celle reliée au changement dans l’occupation des terres, à la déforestation, à la surutilisation de l’eau, la protection de la biodiversité, etc. Un autre type de calcul, plus englobant, peut alors être fait, soit celui de l’empreinte écologique. Dans mon cas, elle est de 5,7 hectares globaux (selon le calculateur footprintcalculator.org). La moyenne québécoise est de 7,5 hectares globaux). C’est dire que, pour subvenir à mes seuls besoins, nous utilisons collectivement un peu moins de 6 hectares (57 000 m2) de terre et d’eau. 47% de mon empreinte écologique provient de mes émissions de CO2 éq. (3,66 tonnes/an).
Si tous les habitants de la planète consommaient autant de ressources que moi, il faudrait l’équivalent de 3,5 planètes Terre pour suffire aux besoins de tous. Ce qui implique qu’une grande majorité des Terriens doivent mener une vie beaucoup plus frugale que moi si nous voulons maintenir l’ordre des choses actuel. Pourtant, je ne me considère pas comme un gros consommateur. J’habite seul dans une maison unifamiliale, bien isolée, chauffée entièrement à l’électricité verte, à une température moyenne de 18oC, j’investis très peu dans les rénos esthétiques, l’ameublement, les igadgets; je fais peu de sorties, pratiquement pas de voyages à l’étranger, j’ai une seule auto (hybride branchable) avec laquelle je parcours moins de 13 000 km/an, dont 6 000 km en mode électrique seul), je mange peu de viande rouge (moins de 1,5 kg/mois), et je n’ai pas de résidence secondaire, etc. Bref, avec une moyenne de près de 3 tonnes de CO2 éq./an, je me situe très en-deçà de la moyenne des Québécois (10 tonnes/an). Cependant, la moyenne québécoise représente la somme de toutes les émissions réunies des individus, entreprises et organismes civils ou autres, divisée par la population totale. De sorte que, pour la plupart d’entre nous, nous ne sommes pas responsables de la majorité des émissions qui nous sont imputées. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire.
L’utilité des calculateurs de l’empreinte carbone individuelle est justement d’identifier ce qui est de notre ressort parmi toutes les émissions de notre pays. Même si certains devront se responsabiliser pour de plus grosses parts d’émissions que d’autres, l’important c’est de commencer tout de suite à agir, et de préférence en s’attaquant à nos sources majeures d’émissions de GES. Ainsi, dans mon cas, j’essaie de compenser mes émissions en plantant et entretenant plusieurs arbres et plantes sur mon terrain, en refusant la climatisation, en m’impliquant dans des groupes écologiques, en diminuant mes déchets enfouis et en investissant dans des entreprises soucieuses de la protection de l’environnement. Dans les sections qui suivront, nous allons présenter une série d’actions qui peuvent être entreprises, tant au niveau individuel, que collectif pour réduire nos émissions de carbone.
A-Gestes à poser pour limiter nos émissions individuelles
Alimentation. Acheter ses aliments en vrac plutôt qu’emballés. Éviter les repas vendus déjà préparés (surgelés). Consommer peu de viande rouge (bœuf, porc, agneau), peu de produits laitiers, récupérer les restes de table, composter ceux que l’on doit jeter, encourager les produits locaux (s’ils sont produits avec peu de GES). Possibilité de réduire ainsi mes GES de 500 kg/an
Domicile. Diminuer le chauffage en hiver (autour de 18oC). Diminuer la climatisation en été (régler autour de 24oC). Isoler davantage sa maison ou utiliser plutôt des ventilateurs. Ne chauffer ou climatiser que les pièces habitées. Recycler convenablement nos électroménagers fonctionnant avec des GES (frigos et climatiseurs) Laver à l’eau froide et faire sécher dehors ou à l’air libre dans la maison. Privilégier les courtes douches aux baignoires bien remplies. Les économies d’énergie permettront à Hydro-Québec d’exporter plus d’électricité verte ailleurs et lui éviteront d’avoir à construire de nouveaux barrages. Planter et entretenir des arbres dans sa cour. Laisser de la place aux plantes indigènes sur sa pelouse, etc. Possibilité de réduire nos GES de 900 kg/an.
Transport. Diminuer le recours à l’auto-solo, utiliser davantage les transports en commun ou le co-voiturage, posséder une auto électrique, diminuer les voyages de loisirs (auto ou avion), cesser d’exiger plus d’infrastructures routières, se déplacer à pied ou à bicyclette pour les courtes distances, éviter d’utiliser les véhicules récréatifs motorisés (hors-bord, VTT, VUS, roulottes, etc.). Possibilité de réduire nos GES de plus de 1 000 kg/an.
Vêtements. Ne pas renouveler sa garde-robe à chaque année, acheter dans des friperies, échanger le linge trop étroit avec des amis, laver moins souvent, faire le séchage à l’air libre, utiliser moins de cosmétiques (ou ceux écocertifiés).
Igadgets. Du téléphone intelligent à la maison intelligente, nous sommes de plus en plus sollicités pour se doter de ce type d’appareils qui consomment au total une quantité appréciable d’énergie et produisent des GES lors de leur fabrication, distribution et disposition finale. De plus, leur obsolescence programmée nous oblige à en racheter constamment de nouveaux. Réduisons notre dépendance à ces appareils, continuons d’utiliser des versions moins performantes et ne nous laissons pas tenter par tous les nouveaux gadgets offerts sur le marché (par ex. : la montre intelligente, alors que nous avons déjà un cellulaire bien pourvu en applications de toutes sortes.
Engagement politique. Se préparer à accueillir dans sa communauté des réfugiés climatiques, s’informer sur les moyens de lutter contre les GES dans sa communauté, choisir des entreprises éco-responsables pour ses placements financiers. En temps d’élections, voter en fonction de l’engagement écologique des partis et des candidats, participer à des mouvements de pression pour exiger des actions rapides et importantes des gouvernements (municipal, provincial et fédéral). Car nos dirigeants ne bougeront pas (au-delà des promesses sans suite) tant qu’ils ne sentiront pas la « soupe chaude » du côté des électeurs. En ce sens, les citoyens disposent d’un pouvoir immense pour faire avancer la lutte aux GES.
B- Gestes que nous pouvons exiger des autres acteurs concernés par la lutte aux GES.
Tel que mentionné précédemment, le principal levier que l’individu peut utiliser pour lutter contre les changements climatiques c’est de peser de tout notre poids collectif pour insister sur les engagements de nos dirigeants. Leurs efforts devront porter sur deux types d’action : l’adaptation aux bouleversements du climat et la captation ou neutralisation des émissions de GES.
B-1-L’adaptation
Ce sont les mesures les plus immédiates qui puissent être posées.
Les municipalités : Mettre à jour les zones inondables, ou vulnérables aux feux de forêt, en tenant compte des prédictions climatiques des 20 prochaines années. Limiter l’expansion urbaine, notamment dans les zones humides qui servent de puits de carbone. Prévoir des zones d’hébergement en cas de canicule ou de catastrophe climatiques. Développer le transport en commun ou actif, décourager l’utilisation des autos dans les centre-villes. Adapter les canalisations de l’égout pluvial pour faire face aux crues extraordinaires. Augmenter les espaces verts et boisés, diminuer ou revégéter les surfaces asphaltées, etc.
La province. Surtaxer la consommation excessive d’essence (VUS, voitures sports, roulottes, etc.). Subventionner le transport intermunicipal ou régional, le co-voiturage et l’installation de bornes électriques. Cesser d’investir dans de nouvelles infrastructures routières. Surtaxer les gros consommateurs d’électricité domiciliaire. Ne plus subventionner les émissions de GES agricoles (méthane et engrais azotés) ou forestières (déboisement, ruissellement, coupes à blanc). Favoriser la revégétation des friches. Favoriser le compostage et la réutilisation des déchets. Protéger les écosystèmes naturels et les espèces menacées.
Le fédéral. Décourager la production et l’exportation d’énergie fossile. Encourager la production d’énergie renouvelable. Subventionner l’efficacité énergique des bâtiments publics. Financer la recherche en agriculture durable (par ex : semences de plantes plus résistantes aux sécheresses ou inondations). Reboiser et restaurer les forêts publiques, notamment dans les zones où les nappes phréatiques écopent lors de sécheresses). Imposer une taxe sur la production de GES des entreprises (au-delà des 15$/tonne actuelle).
Les entreprises. En agriculture, reboisement le long des rives de cours d’eau pour diminuer l’érosion. Diminuer ou compenser le méthane produit par les bovins. Améliorer le rendement des surfaces cultivées plutôt que d’en déboiser de nouvelles. En foresterie, éviter les coupes à blancs qui suppriment les feuillus (plus résistants aux feux de forêt), aménager des zones coupe-feux près des territoires habitées, reboiser le plus de chantiers possible. En industrie, tenir compte du cycle de vie complet des matières premières utilisées, des produits finis ainsi que des déchets dans leur gestion des GES.
Un piège est à éviter dans le domaine de l’adaptation aux changements climatiques soit celui du faux sentiment de sécurité qu’il nous donne. On peut peut-être parer aux effets les pires pendant quelques années, mais si nous continuons sur notre lancée, à produire toujours plus de GES, toutes les mesures d’adaptation instaurées ne pourront plus suffire à diminuer les conséquences pour notre vie quotidienne. De plus, seuls pays riches peuvent se permettre d’investir dans la prévention des effets négatifs. Les pays pauvres, déjà plus touchés de par leur situation géographique, devront encaisser les fortes conséquences, ce qui augmentera le nombre des réfugiés climatiques qui viendront s’installer chez nous et dont nous devrons prendre charge en toute charité chrétienne.
B-2-La captation ou neutralisation des GES troposphériques.
Si les 120 pays qui se sont engagés à réduire leurs émissions de GES à zéro d’ici 2050 atteignaient cette cible, les émissions mondiales de GES devraient diminuer de 90 % d’ici 2050. Parmi eux, les 27 pays membres du G7 ont le plus de chances d’y arriver, ce qui amènerait une diminution (plus réaliste) de l’ordre de 65 %. Mais si le passé est garant de l’avenir, la plupart des pays n’y arriveront pas. D’où l’importance d’avoir recours à une autre option, soit la captation du carbone (pour ensuite l’enfouir sous terre ou dans les océans). Ce qu’on appelle les « émissions négatives ».
Actuellement, il n’y a pas de technologie prouvée efficace pour capturer le CO2, le neutraliser ou l’enfouir sous terre. Cependant plusieurs technologies prometteuses sont proposées. On peut les regrouper en trois catégories :
1- les processus biologiques (par ex. : le reboisement ou la diminution des coupes forestières);
2- la bioénergie ou filtration (par ex. : l’extraction du CO2 de l’air ambiant pour le stocker ensuite dans les sols);
3- les processus biochimiques (par ex. : la fertilisation des océans avec du fer ou d’autres éléments nutritifs pour augmenter l’absorption par les algues)
Les promoteurs de ces différentes technologies avancent que l’on pourrait retirer ainsi des millions de tonnes de CO2 de la troposphère. (L’Agence internationale de l’Énergie estime qu’on devrait extraire 5 milliards de tonnes de carbone/an si l’on veut limiter le réchauffement à 1,5oC). L’avantage de ce type de solutions c’est qu’il nous permet de poursuivre nos modes de production actuels, tout en diminuant nos émissions de GES (émissions négatives). Mais en définitive, si la croissance économique se poursuit au rythme des dernières décennies, viendra un moment où elles ne suffiront plus. Et les concentrations de CO2 dans la troposphère se remettront à grimper. Il nous faut donc privilégier des technologies qui pourront réduire à la source les émissions. Cela peut se faire en priorité dans le domaine de l’énergie, par exemple en remplaçant les centrales électriques au charbon par des centrales nucléaires ou hydroélectriques, à remplacer les combustibles fossiles par l’hydrogène vert. Ou même de développer des sources d’énergie complètement nouvelles, comme la mise en orbite d’une centrale solaire qui enverrait vers la terre (24/7, 365 jours durant) l’énergie de la lumière solaire en haute altitude et qui serait récupérée et convertie en électricité grâce à des capteurs géants au sol (le Japon expérimente une telle station spatiale, capable de produire l’équivalent d’une centrale nucléaire en une année). Ce type de solutions va cependant requérir une concertation internationale, laquelle devra aussi avoir lieu si on veut que les biens et services produits par décarbonation ne soient pas pénalisés par la concurrence venant des pays qui poursuivront la production sans décarbonation.
Et nous subissons chaque jour un recul par rapport à l’objectif 0 carbone en 2050, car le CO2 continue de s’accumuler dans la troposphère, plutôt que diminuer. Le temps est notre pire ennemi et 2050 c’est demain matin pour la génération née en 2000. C’est pourquoi nous n’aurons pas le choix que d’instaurer rapidement toutes les mesures d’adaptation requises et à la fois toutes les technologies de captation-séquestration du carbone disponibles. Il n’y aura pas de solution unique à ce problème.
En conclusion, on peut dire que oui, il est techniquement possible de limiter le réchauffement climatique à +1,5oC et aussi s’adapter aux changements inévitables du climat qui va résulter de ce réchauffement. Mais on a peu de garanties d’y arriver d’ici 2050. Pourtant, avons-nous le choix? Pas vraiment, si nous ne voulons pas dépasser un point de bascule au-delà duquel il n’y aura pas de retour possible (à la situation actuelle) avant des centaines d’années. Pour y arriver, il faut dépasser les calculs de rentabilité ou les réticences à préserver notre confort. C’est une question de vie ou de mort pour des centaines de millions d’êtres humains. Chaque dollar qui n’est pas investi dans la réduction des GES occasionnera des dépenses 100 ou 1 000 fois plus grandes quand on aura à subir les conséquences de notre incurie et de nos perceptions à courte vue!
Le revers de la médaille, c’est que ce défi représente l’occasion en or pour les Terriens de faire front commun face à une menace qui affecte tous les peuples, sans considérations de religion, d’ethnie, de culture, d’opinion politique et même de statut économique. Car la solution sera internationale ou elle ne sera pas. Qui sait, cela permettra un jour de poser les bases d’un vrai gouvernement supranational sur notre belle, unique, mais petite, planète…